Becoming blind

Plisser les yeux. Quelque chose noir. Effleurer les aspérités du papier troué. L'alphabet sous les doigts. Un cercle de lumière, éclat violent, vorace. Des cris d’enfants la ville la vie. On ne naît pas aveugle, on perçoit deux trois couleurs et une immensité de nuances, comme pour nous habituer à la beauté du monde. Son alphabet en relief. Vivre. Ecrire. Mourir. Des lignes, des signes. Aller toujours d'un point à un autre. Les amis indiens de Jim Harrison lui avaient donné ce nom interminable dont il était très fier : Quelqu'un qui va dans le noir pendant un long chemin et qui reviendra un jour...

Dominique Vochelle

#02 White Moments Poster

C'est Alexandra Catière qui a fait la photo du verso de White Moments.

www.alexandracatiere.com

Au Japon, il y a un même concept pour les notions du temps et de l'espace. Le Ma: l'intervalle, le milieu, l'espace, la durée, la distance. Il est au fondement même de la création, de l'environnement, de la vie courante: au Japon, tous les arts sont des arts Ma. En peinture et en calligraphie, le sens n'est pas signifié par des traits: il est d'abord dans le trait. Les traits sont vivants. Et le Ma, c'est l'intervalle qui les sépare et les relie entre eux. Si l'on fait une pause, il n'y a pas d'enchaînement, pas d'intervalle vivant, et le trait est mort. C'est ce qu'il faut saisir pour comprendre ce "vide plein de sens" que cherchaient à créer les artistes au Japon en utilisant des espaces blancs entre les lignes. White Moments. Vivants." D.V.

#02 White Moments

Dialogue entre les textes de Dominique Vochelle et quelques un de mes dessins de la série "White Moments". Mise en page de Samuel Bloch.

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"Tu le sais, toi, ce qui se glisse dans les interstices ?

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....assise sur une pierre nue de l'ancien couvent franciscain, entre le ciel d'Ombrie et la terre d'Assise. Temps immobile, silence absolu, loin de la foule profane et du commerce des crucifix. Le vrai miracle aujourd'hui serait qu'il subsiste encore une parcelle même infime de l'esprit de François, petit pauvre enseveli dans un angle de pierre et d'ombre. Il y a ce temps particulier en Italie. Quelque chose qui vous élève et vous blesse, mais où même ce qui s'est éteint étreint d'une autre lumière.

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Du temps, on en trouve toujours, c'est bien le problème. Mais quand il se présente, même un court instant, une rêverie, une attente ou je ne sais quoi, on est comme au bord du gouffre. White moments. Conscience des blancs, de ce qui manque, et peu d'attirance en fin de compte pour ce qui pourrait le combler, nous combler. Mais que faire de ce suspens?

Les images passent, mouvantes, jamais indifférentes. Précédées, nourries, habitées, aucune ne se donne comme telle, en elle, à ceux qui la regardent. Elles produisent du sens, ou de l'absence.